Le 17 février

12h06 – Tout est rouge. Tout saigne. L’illusion est parfaite. La grotte se meurt. La protagoniste est recouverte de ce sang visqueux et putride. Qu’est-ce donc que cette sensation de vide. La protagoniste saigne elle aussi.

12h07 – La douleur la prend. Sa douleur. Le sang saigne. Capitulation des sensations. Plus rien ne vit, plus rien ne survit. Sandrine meurt de l’intérieur. Elle se vide. Son utérus se vide. Le bébé n’est plus.

 

Le 25 mars

10h59 – Les ongles de Sandrine s’enfoncent dans la chaire de Jordan. Son homme. Elle a attrapé son bras avant qu’ils ne se perdent. Regards-coups-de-poings. Mal aimée, elle est. Point barre. Seule. Il l’a quittée. C’est la fin. Il n’a pas supporté la perte. Il part.

12h15 – « Tu veux sortir avec moi ? » On demande à Nénette. Cette question lui transperce le cœur. La propulse à Evasion-land. Elle a sa tête dans les nuages. Plus rien ne compte. Elle en oublie presque de dire le « OUI » de coutume.

15h03 – « Non, ce n’est pas possible ! » Sandrine veut en finir ! Non pas avec la vie mais avec sa vie à lui. Il l’a tuée de l’intérieur. Il a eu raison de sa volonté. Il a réanimé son cœur de pierre pour ensuite la laisser se consumer dans la peine. Il a osé la quitter, elle, sa « bien-aimée » qu’il disait. Elle n’est donc plus la même sans une crevette qui pousse dans le ventre ?

15h04 – Nénette est heureuse. La vie lui sourie. Sa poisse l’a quittée. Imperturbable bonté de la vie, elle entame le chemin de la maison, son Amour en tête. Son chewing-gum anti-mauvaise-haleine frénétiquement mâché en bouche.

15h05 – Rage et tremblement. Peur et misère. Simple trahison de cet être qui l’a abandonnée. Le vide de son esprit la laisse inerte, à demi-morte. Plus rien ne compte. Plus rien ne vit.

15h06 – Vivre. Seule possibilité à présent. Seule envie. Seule quiétude. Elle traverse le passage clouté.

 15h07 – Choc. Rencontre.

 

Aujourd’hui

Je me rappelle son sang. Her blood on the floor. Assommée mais consciente, je m’extrais de la voiture et la regarde. Cette jeune fille que j’ai fauchée. Cette poupée blanche et rouge. Ce petit être… mort.

J’aurais pu rencontré n’importe qui. Je l’ai rencontrée, elle. Sourire aux lèvres, elle me regarde, un chewing-gum abondamment mâché entre les dents. Je lui ai volé sa vie, son Amour et son futur avec Lui. Que faire à présent ? – me dis-je. Ecrire.

Je ne me suis pas arrêtée. Durant des semaines. Sans vie sociale. Sans vie tout court. Sans rien. J’ai écrit, pendue à mes propres mots. J’ai écrit, noyée dans ses yeux. J’ai écrit, bercée par son sourire. J’ai écrit pour et par elle. J’ai ECRIT son histoire et sa beauté.

Moi ? Morte parmi les morts. Vieille loque humaine. Immondice de véhémence. Rage intérieure qui me ronge et me tue. Putréfaction de mes sens à jamais perdus. A jamais morts, enterrés, seuls, vides.

Mon âme est décédée quand Nénette a été tuée.

Je ne peux continuer ainsi ; je ne peux plus vivre ainsi. Voici toute la véracité des verbes « Pouvoir » et « Ne Pas Pouvoir » associés à « Tuer ». Verbes sans suite, à détruire.

Pourquoi continuer à croire en la vie après cet accident ? Et surtout comment ? Aidez-moi : psychanalystes, psychologues, psychiatres, et autres bestioles ambulantes. Cette histoire est une lettre pour vous. Chacun et chacune. Aidez-moi à survivre ou à périr, mais aidez-moi.

Merci.

 

 

(Et voilà, les aventures de Nénette et Sandrine sont finies. Merci à celles et ceux qui les ont suivies)

Retour à l'accueil